La machine à pellets de Triều Khúc

  • Triều Khúc, District de Thanh Tri, Hanoï, Vietnam, juillet 2017, photo Baptiste Monsaingeon

Cette photographie a été prise en juillet 2017, à quelques kilomètres du centre-ville d’Hanoï. Cet ouvrier, dont les imposants tatouages ont pu évoquer à certains membres de l’équipe de recherche un possible lien aux organisations mafieuses du sud de la Chine, travaille dans une chaleur étouffante à la transformation de déchets plastiques, récoltés pour l’essentiel par des dong nat, au centre de la ville.

Dans cet atelier sombre, on entend le vrombissement incessant de l’extrudeuse à polymères. Ces machines, parfois appelées boudineuses, sont importées au Vietnam au milieu des années 1980 par de petites entreprises familiales, espérant développer des activités plus rentables que la culture de la pomme de terre ou le travail en rizière. Elles permettent dans une seule et même chaine opératoire de broyer puis de fondre les déchets plastiques avant de former des boudins de polymères extrudés sous la forme de longs fils, qui, une fois coupés en petits morceaux deviennent des ‘pellets’, des granulés de plastique recyclé, commercialisables.

A Triều Khúc, quartier du sud-ouest de Hanoï, les activités de transformation des plastiques sont documentées depuis la fin des années 1980 (cf. Michael DiGregorio) : en 1992, on y dénombrait pas moins d’une vingtaine d’ateliers. Or, on ne retrouve plus aujourd’hui ce type d’installation au cœur du quartier, qui connait une pression foncière importante, du fait de la métropolisation de la capitale vietnamienne. C’est à la lisière du quartier, à proximité d’anciens terrains agricoles laissés à l’abandon et non loin d’une zone d’activité industrielle, que s’étend la petite ruelle qui accueillait alors cet atelier. Quelques jours avant notre passage, l’atelier voisin, dévolu à la même activité avait pris feu, sans que cela n’étonne ni n’inquiète plus que cela l’ouvrier de la photographie. Une façon d’expliquer, peut-être, la distance toujours plus grande qui éloigne toujours un peu plus les espaces de production des espaces de gestion des rebuts matériels de l’activité urbaine.